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LA META-METHODE

Publié par CELLULO sur 3 Juillet 2012, 11:25am

LA META-METHODE

Ce qu'on ne vous dit pas sur la presse ciné...

T’es-tu déjà demandé comment fonctionnait un magazine cinéma ? Et quelles étaient les règles à suivre pour un journaliste digne de ce nom ? Tu es curieux de savoir qui écrit dans Télé 7 jours et qui écrit dans les Cahiers du Cinéma ? Tu te demandes ce qui se passe et ce qui se dit pendant les projections destinées à la presse ? Tu aimerais savoir comment les journalistes sont choisis pour se rendre sur le tournage du dernier Scorsese ? Autant de questions qui ont leurs réponses… Je ne prétends pas être exhaustif, ceci est un simple avant-gout de ce qui t’attend si tu te destines à faire partie de la petite famille des critiques cinés en France, sinon cela te permettra simplement de lire entre les lignes à la prochaine lecture de ton mag’ préféré. Coulisses…

Le métier de critique ciné est un bien beau métier. En somme, tu passes peut-être le plus clair de ton temps à fuir le soleil en te réfugiant dans les petites salles privées du 8ème arrondissement de Paris mais entre deux projos tu as aussi la chance de prendre un breakfast tea avec Mike Leigh ou un lait-fraise avec Scorsese. Outre le fait d’être blanc comme un cul 300 jours par an, il est solitaire, un poil sauvage, frôlant la misanthropie passé un certain âge et le critique ciné vaque à ses occupations avec la nonchalance et l’assurance d’un vieux loup. Autant détracteur qu’apologiste, le bonhomme est un spécimen rare, connaissant sa chance, respectant sa place et sachant rivaliser d’ingéniosité pour la garder. Car il faut l’avouer, pour durer il faut sortir le bouclier et souvent rendre les armes. Pour commencer, je vais tout d’abord briser un mythe : entre Première, les Cahiers du Cinéma, Télé 7 Jours ou le Journal de mickey de ta petite soeur, les journalistes sont les mêmes. Seuls les noms changent… Un critique ciné possède en moyenne trois pseudonymes, permettant ainsi de pouvoir écrire où bon lui semble. Parfois pour arrondir les fins de mois, souvent par pur plaisir. Derrière le Laura V. du TéléObs se cache souvent le Charles G. de Positif et avec un peu d’entrainement, il sera facile de comprendre ce qui se cache derrière ces noms. Chaque pseudonyme possède en effet son propre style et ses propres goûts, autorisant ainsi les critiques à jouer de leur plume dans diverses publications. Cette entourloupette est la conséquence de plusieurs facteurs.

Qui dit presse dit attaché(e) de presse. Aujourd’hui, l’univers de la presse ciné est en effet dirigé par une force tranquille et sombre : les boites de distribution, qui instaurent un climat parfois polaire entre les journalistes et les acteurs du monde cinématographique. Dernier exemple en date : à Cannes, cette année, il fallait débourser entre 1500€ et 3000€ pour avoir la chance de s’entretenir avec Brad Pitt ou Kirsten Stewart. Une méthode intolérable qui témoigne néanmoins d’une main mise spectaculaire de certaines boites de distribution sur l’information. Il est aujourd’hui presque plus complexe et retors d’interviewer une star de cinéma qu’une personnalité politique mondiale. Ainsi, pour que les magazines puissent obtenir de véritables exclusivités, mieux vaut s’entendre correctement avec les distributeurs. Le Monde, Les Inrocks ou encore Brazil en ont souvent payé les frais. Une critique catastrophique du dernier poulain de chez Warner et l’interview prévue avec Clint Eastwood la semaine suivante sera tout simplement annulée. De la même manière, si un magazine refuse de mettre Charlize Theron en couverture pour la sortie de Prometheus, les retombées se font sentir dans les jours qui suivent. Les journalistes de la publication concernée sont alors évincés de certaines projections presse et mettent parfois plusieurs mois avant de redevenir persona grata. Autant vous dire que les critiques consensuelles et bienveillantes sur des films passablement nuls sont alors monnaie courante et se retrouvent aussitôt affublées d’un pseudonyme, garant de l’intégrité du journaliste qui a dû se plier à l’exercice. Mieux vaut prévenir que guérir.

Dans la presse cinéma, il y a également un terme bien connu de tous les rédacteurs en chef… Afin de diffuser les informations au compte-goutte et contrôler intégralement le processus de communication et de marketing, les distributeurs instaurent ce qu’on appelle des embargos. Une date précise est fixée pour la publication d’une critique, de la moindre affiche officielle ou d’une bande-annonce. Si l’embargo n’est pas respecté, gare aux conséquences… Une méthode utilisée dans tous les domaines mais qui semble dérisoire lorsqu’on l’applique au monde du divertissement et du spectacle. Des articles comme « Exclusivité : 24h sur le tournage du dernier film de Guillermo Del Toro » ont, pour la plupart, été écrits plusieurs mois –voire une bonne année- avant leur parution. Embargo oblige. Ces exclusivités parfaitement balisées, où l’on envoie des journalistes sur le terrain, sont des voyages intégralement financés par le distributeur durant lesquels le journaliste est reçu comme un prince (Voyage en première classe, Hôtel 5 étoiles et défraiement pour les repas), permettent aux distributeurs, lorsque vient enfin la sortie du film, de s’assurer une critique positive et un soutien sans faille du magazine… Gare à ceux qui tentent de s’aventurer hors des sentiers battus, ton humble serviteur s’est déjà fait remonter les bretelles pour avoir eu le malheur de se déplacer seul sur les plateaux d’une grosse production américaine et avoir aperçu la comédienne principale déblatérer, en larmes, des insultes monstrueuses envers le producteur, Jerry B., pour ne pas le citer. C’est, bien entendu, ce qu’on ne veut pas nous montrer qui nous intéresse le plus. Bon, je ne vais pas te faire le laïus du pauvre journaliste ciné, brimé et bridé, l’expérience est en soi assez grisante pour balayer d’un revers de la main les petits aléas de l’aventure.

Pour finir, comme tu as pu l'apercevoir dans la pub Schweppes avec Uma Thurman ou encore dans Coup de Foudre à Notting Hill, la majorité des interviews se passent en « junket ». Ces sessions de speed-dating avec les stars américaines, qui se déroulent dans les grands hôtels, réunissent des journalistes triés sur le volet auxquels on fournit à l’issue de l’entretien une vidéo de quelques minutes (une équipe de techniciens est mise à disposition dans chaque chambre ainsi qu’un traducteur si besoin). Ce sont des « shift » de sept à dix minutes que l’on attribue aux journalistes (le « double shift » est un sésame que seuls les gros médias parviennent à obtenir) et pas question de mordre sur le temps imparti… Un décompte numérique est d’ailleurs positionné derrière la personne interviewée, de sorte que l’exercice s’apparente souvent à une course contre la montre. Ajoutons à cela les mises en garde de l’attachée de presse chargée du junket qui fait état, dès l’arrivée du journaliste, des questions à ne surtout pas poser et le cas échéant, de l’attitude à observer. Les inconvénients sont nombreux mais les surprises plus fréquentes qu’on le croit. En off, ces comédiens et cinéastes sont des gens beaucoup plus accessibles qu’on ne le laisse penser et les attachées de presse sont souvent les premiers à apprécier un poil de décontraction et d’imprévu dans ces machines beaucoup trop bien huilées. Dans un monde de paillettes où le tapis rouge semble être frôlé par des étoiles intouchables et où le contrôle se fait à tous les niveaux, le monde de la presse cinéma regorge aussi de rencontres fortuites, d’incroyables rendez-vous et de péripéties enivrantes. Il s’agit bien de faire la part des choses, de ne pas se laisser berner tout en respectant les us et coutumes. Parfois au détriment de l’information mais la plupart du temps, avouons-le, au profit d’une douce illusion au sein de laquelle il est bon de se lover. On ne se refait pas, les critiques sont avant tout de grands enfants qui ont conservé cet amour aveugle pour leur passion. Et c'est très bien comme ça...

C.LULO

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